Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/353

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chale de Luxembourg, qui brilla à partir de 1750, fut organisé suivant les mêmes principes.

Autour de Mme  du Deffand, dans son hôtel, puis dans sa retraite de Saint-Joseph, les gens du monde prédominent, surtout à partir du moment où Mlle  de Lespinasse a entraîné dans sa sécession la cohorte philosophique. Avec eux, des étrangers comme Walpole, des amateurs comme le président Hénault, et cependant quelques philosophes comme d’Alembert, qui jouit d’une faveur particulière. Moins encore que Mme  de Tencin ou Mme  de Luxembourg, cependant, Mme  du Deffand prétendit se mettre au service de la philosophie.

Le salon de Mme  Geoffrin fut, un quart de siècle durant, la capitale de la République des lettres : artistes, littérateurs, philosophes, savants, tous les intellectuels notoires tinrent à honneur d’y fréquenter, disciplinés par l’intelligence lucide et organisatrice de la maîtresse de maison. Les philosophes, Diderot, d’Alembert, Thomas, Morellet, Condorcet y tiennent une très grande place. Mais leur pensée ne peut déployer trop largement ses ailes. La main ferme de Mme  Geoffrin contient leur fougue et les empêche de se répandre en propos subversifs. Cependant le « royaume de la rue Saint-Honoré » fut l’un des centres de la propagande philosophique et, comme tel, tint une très large place dans le mouvement des idées.

Chez Mlle  de Lespinasse, chez Mme  Necker, dont les salons s’ouvrent à la fin du règne de Louis XV, la philosophie est reine et maîtresse. Chez l’une, d’Alembert trône, attirant tous les encyclopédistes dont la réputation est alors à l’apogée ; chez l’autre, « se fait le lien entre les derniers encyclopédistes et les hommes de la Révolution »[1]. Mlle  de Lespinasse se donna à la cause philosophique avec toute son ardeur enthousiaste, toute sa sensibilité débordante, et son salon, bien différent de ceux de Mme  Geoffrin ou de Mme  du Deffand, fut vraiment un cénacle, une chapelle ou, pour employer l’expression du temps, une synagogue philosophique où domina l’esprit du siècle[2]. Il en fut de même chez Mme  Necker, qui, sans partager les idées des philosophes, eut pour eux une admiration moins compréhensive, d’ailleurs, que celle de Mlle  de Lespinasse.

Peu à peu, au cours du xviiie siècle, les préoccupations purement

  1. Brunel. Ibid.
  2. Cf. De Ségur. Loc. cit. Brunel. Les philosophes et l’Académie.