Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/434

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faute capitale… » « Que mon mari, dit une autre des porte-paroles de Voltaire, donne mon collier à une de mes rivales et mes boucles d’oreilles à une autre, je n’ai point demandé aux juges qu’on le fît enfermer chez les moines et qu’on me donne son bien. Et moi, pour avoir fait une fois ce qu’il fait tous les jours impunément, il faut qu’on me coupe les cheveux, qu’on m’enferme chez les religieuses, qu’on me prive de ma dot et qu’on donne tout mon bien à mon fat de mari, pour l’aider à séduire d’autres femmes et à commettre de nouveaux adultères ? [1] »

Voltaire, tout comme Montesquieu, juge donc barbare et l’assujettissement des femmes à leurs maris et le droit que la loi donne à ceux-ci d’exiger, sous des peines sévères, la fidélité.

Sans pousser autant sa pensée, Helvétius est également partisan de l’égalité des sexes dans le ménage. Car si l’on veut maintenir l’inégalité légale, que l’on soit conséquent et que l’on suive la coutume ottomane, qui séquestre les femmes au harem.

Les plus qualifiés des philosophes, opposés sur ce point comme sur tant d’autres à Rousseau, sont donc partisans de l’égalité des époux. Ils sont d’ailleurs, sur ce point, des critiques plus que des constructeurs, et aucun d’entre eux n’essaye de fixer un nouveau statut matrimonial. Desmahis, au contraire, qui, dans l’Encyclopédie, rédigea les articles relatif aux femmes, critique, lui aussi, et non seulement par des boutades mais avec une argumentation assez serrée, l’autorité maritale et essaye, lui, de se demander comment pourrait, sans le maintien de cette autorité, fonctionner la société conjugale.

« Sans doute, dit-il, le droit positif des nations policées, le droit et les coutumes de l’Europe donnent l’autorité unanimement au mâle, de sorte que la femme doit être subordonnée à son mari et obéir à ses ordres dans les affaires domestiques. »

Mais ces raisons ne sont pas sans répliques, humainement parlant. On ne peut, en effet, démontrer « que l’autorité du mari vienne de la nature », car, d’une part, l’homme n’a pas toujours plus de force de corps et d’esprit que la femme ; en fût-il ainsi, de cela seul qu’on est propre à commander, il ne suffit pas qu’on en ait virtuellement le droit.

« On ne peut donc soutenir qu’il n’y a point d’autre subordination dans la société conjugale que celle de la société civile et, par conséquent, rien n’empêche que des conventions particulières ne puissent changer la loi civile. »

  1. Mémoire sur les femmes.