Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/45

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doit suivre partout son mari, hors le cas cependant où celui-ci passerait les frontières pour abjurer sa patrie. Dans cette éventualité, la femme qui ne saurait perdre sa nationalité d’origine, reprend sa liberté. » Ici, l’ancien droit est plus libéral que le nouveau. La question de la nationalité de la femme mariée est l’une de celles que soulèvent le plus fréquemment les féministes modernes et elle n’a pas encore été tranchée à leur avantage.

De même, si le mari ayant commis un crime, s’enfuit pour échapper à la vindicte des lois ou si ces mêmes lois le bannissent du royaume, il ne peut obliger sa femme à le suivre. Il est admis en effet que l’indignité flagrante du mari, comme la mort civile qui en est la conséquence, délie la femme de toutes ses obligations.

À la fin du xviiie siècle d’ailleurs, un mouvement se dessinait pour émanciper la femme de cette sorte de servitude. Mais c’est en Prusse, sous le roi philosophe, qu’il était inscrit dans la loi.

Le Code Frédéric, en effet, n’astreignait la femme à l’obligation de suivre son mari que si nulle stipulation contraire n’était faite dans le contrat. Et cette question étant regardée non comme d’ordre public, mais d’ordre privé, la femme pouvait en effet être affranchie par le contrat de l’obligation de suivre son mari.

Enfin, le mariage étant indissoluble, et la mort seule pouvant le dénouer, la femme n’a pas le droit, tant que cette mort n’est pas officiellement constatée, de contracter un second mariage. Ni l’absence prolongée, ni la disparition même du mari ne la libèrent. Un mariage contracté par une femme délaissée, mais qui n’a pas de preuve de la mort de son mari, est nul de plein droit.

L’indissolubilité du mariage, voilà l’une des lois fondamentales qui, dérivant de la conception chrétienne et du droit canon, régissent en effet l’union conjugale jusqu’à la Révolution. Cette indissolubilité est, il est facile de s’en rendre compte, bien plus gênante pour la femme que pour l’homme. Celui-ci vit beaucoup hors de sa maison ; dans celle-ci même il a toujours, quelle que soit l’incompatibilité de caractère entre lui et sa femme, le droit d’user, pour imposer sa volonté, de toutes prérogatives que lui confère la loi. Il peut, sans s’exposer à aucune peine, se réfugier auprès d’une compagne illégitime ; la femme au contraire reste rivée au foyer. Elle doit obéir, et si elle s’avisait de chercher ailleurs une compensation, elle courrait le risque d’être, sur la demande de son mari, enfermée au couvent.