Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/478

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Il faut d’ailleurs les ranger en plusieurs catégories bien différentes. Quelques-unes sont des projets très généraux de réformes de la société où les revendications féministes, comme d’autres revendications sociales ou économiques, trouvent leur place[1].

D’autres sont des remarques sur tel point ; en particulier les brochures sur le divorce sont tout particulièrement nombreuses[2], la question de la prostitution fait l’objet de diverses études, d’ailleurs mi-sérieuses, mi-plaisantes.

Enfin paraissent, et ce sont de beaucoup les plus nombreuses, des brochures vraiment inspirées par un esprit féministe au sens moderne du terme. Elles sont le plus souvent anonymes et il est vraisemblable qu’elles ne furent pas toutes écrites par des femmes. La plupart d’entre elles se présentent d’ailleurs sous un aspect fort singulier et qui a échappé aux rares auteurs qui les aient mentionnées[3].

Si on les parcourt superficiellement, elles apparaissent purement et simplement comme des manifestes féministes. Mais lisons-les avec plus d’attention, nous ne tarderons pas à nous apercevoir que le plaisant s’y mêle bien souvent au sévère. Les diatribes politiques[4], les sous-entendus érotiques ou grivois voisinent avec les revendications féministes d’une bien étrange façon[5].

On ne saurait donc accorder à toutes ces brochures la même authenticité, la même valeur. Le féminisme n’est souvent qu’une forme allégorique pour le pamphlet politique, l’écrit licencieux. Mais le fait même qu’ils songent à emprunter cette forme montre que les théories féministes étaient répandues, connues, discutées, voire populaires.

De telles brochures ont donc, au point de vue de l’histoire du féminisme, exactement la même valeur que la Lynstrata et l’Assemblée des femmes, d’Aristophane. Ce sont des mystifications,

  1. Par exemple, la brochure de l’abbé Sabineau, sur les 32 articles à ajouter aux cahiers des États Généraux (Chassin. Les cahiers de Paris) ; le cahier anonyme des demandes à faire aux États Généraux ; les deux brochures du marquis de Villette, intitulées Mes cahiers et Mes cahiers pour Paris ; l’ouvrage de l’abbé Fauchet sur la Religion nationale.
  2. Motion sur le divorce ; griefs et plaintes des femmes mal mariées. Observation sur le divorce, par le comte d’Antreignes. Le divorce, par Hennet.
  3. Chassin. Les cahiers de Paris. — Baron de Villiers. Histoire des clubs de femmes et des légions d’amazones.
  4. Soit contre la noblesse, soit contre le clergé, soit contre le Tiers-État, suivant les cas.
  5. Par exemple dans la Requête des femmes à MM. composant l’Assemblée des Notables et les Remontrances des femmes du Palais-Royal.