Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/493

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parées, mais intelligentes et qui, plus encore qu’au siècle passé, demeurent les arbitres incontestés du goût ; celle-là est faite, pour la plus large part, des intrigues féminines ; en dehors même de cette extraordinaire victoire de l’idée féministe : une femme, vingt ans, vrai premier ministre, les femmes témoignent en toute circonstances d’une activité, d’un esprit d’entreprise, d’une pénétration psychologique qui rend leur aide indispensable à tout homme, à tout parti qui veut se livrer au jeu compliqué mais nécessaire des cabales de Cour.

Exclues en théorie de toute participation à la vie politique, les femmes apparaissent cependant, en pratique, comme l’un de ses rouages essentiels. Si l’on excepte Mme  de Ponipadour, elles ne sont, certes jamais, quoi qu’en ait dit leur enthousiaste historien, Goncourt, les causes premières des grands événements. Ceux-ci restent dirigés par le déterminisme des causes extérieures et par l’ambition masculine. Mais sans leur ingérence dans la politique, celle-ci prendrait un tout autre aspect. Elles la revêtent de cette frivolité élégante, dissimulant d’ailleurs souvent la recherche de très positifs intérêts, qui reste dans l’histoire son aspect caractéristique.

Le déploiement des activités féminines à la Cour, bien qu’on ne lui ait pas toujours donné la place exacte qui lui revient dans la vie politique de la France, n’a cependant pas entièrement échappé aux historiens. Mais c’est à des jeux brillants et stériles que s’est réduite pour eux toute l’activité féminine. Ils n’en sont que l’aspect le plus superficiel et peut-être le moins important. Tandis que les petites marquises s’agitent entre leurs boudoirs et Trianon, les masses obscures des bourgeoises et des femmes du peuple travaillent, comme les hommes, à l’édification de la richesse et à la formation de l’âme de la France. Ici, d’énergiques matrones qui mettent en valeur leurs terres et tentent d’assurer le bien-être de leurs vassaux ; là, des femmes d’affaires qui dépensent, pour la bonne marche de l’entreprise qu’elles mènent seules ou de concert avec leurs maris, autant d’initiative, de ténacité, parfois d’esprit d’intrigues, que les dames de la Cour à la réussite de leurs propres visées politiques ou de celles de leurs maris. Partout ou presque, les femmes sont, en dépit des apparences légales, vraies associées, vraies collaboratrices de leurs maris et, comme l’a remarqué Mercier, consultées en égales sur toutes les affaires, elles ont conquis en pratique une presque complète liberté. Cette forte bourgeoisie française qui, en 1789, fera la France nouvelle, la femme du xviiie siècle a contribué pour une assez large part, par les exemples que, comme le constatent les observateurs, elle donnait dans l’administration du