Page:Abensour - La Femme et le Féminisme avant la Révolution, 1923.djvu/62

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ne peut au décès de son père revendiquer aucune part de l’héritage : « si rien ne lui fut promis… rien n’aura ».

Mais il peut arriver aussi que la jeune fille ne soit pas encore mariée au moment du décès de ses parents ; elle passe alors sous la tutelle de ses frères, à qui incombe, comme à leur père, le devoir de la marier. Si, en effet, ils la marient, ils sont quittes envers elle ; sinon, si, à vingt ans, elle n’est pas mariée, elle peut exiger de ses frères le mariage avenant, c’est-à-dire une dot qui lui permette de trouver un mari. Ce mariage avenant (encore n’y aurait-elle pas droit si elle avait manqué aux devoirs de la chasteté) ne pourra excéder le tiers de l’héritage si elle est seule et, s’il y a plusieurs sœurs, une fraction de ce tiers.

Aussi en Normandie, et une coutume assez semblable est en vigueur dans le Maine et l’Anjou, « les filles ne sont pas héritières en présence de leurs frères ».

Si donc, à la veille de la Révolution, le principe romain d’égalité des sexes en matière successorale a fait d’importantes conquêtes, il est bien loin encore d’être universellement appliqué. Toute une catégorie de biens, les fiefs sont soumis au privilège de masculinité et, dans plusieurs importantes provinces, ce privilège s’étend à tous les biens. C’est, il est vrai, le souci de sauvegarder le patrimoine des familles et non une présomption de l’infériorité physique ou morale de la femme qui est à la base de ces restrictions apportées à son droit de succéder.

En somme, le dogme de l’infériorité féminine, latent sans doute, n’est jamais formellement invoqué pour justifier l’infériorité de la femme dans la famille.

viii. Droits civiques de la femme

En est-il de même lorsque nous considérons la femme dans la société ? Les principaux et les plus essentiels des droits civiques sont ceux d’engager une action devant les tribunaux, d’être capable de témoigner en justice, d’apposer sa signature au bas d’un acte de l’état-civil, d’exercer la tutelle des mineurs, enfin d’être accessibles à toutes les professions.

Ces droits, les femmes ne les possèdent au xviiie siècle que dans une certaine mesure.

Sans doute la jeune fille a le droit, tout comme l’homme, de vendre, d’aliéner ou d’hypothéquer ses biens. Elle peut engager un procès civil et ester en justice. Mais ces droits, nous l’avons vu,