Comme on n’ose d’abord s’attaquer directement à elle on essaye de lui rendre la vie impossible. Des policiers sont mis à demeure dans son hôtel, surveillent toutes ses allées et venues ; elle n’est pas autorisée à sortir sans un laissez-passer de la kommandantur. Dans la ville, aux environs, des espions, des policiers encore. Mme Carton de Wiart veut-elle promener ses enfants au bois de la Cambre ? déjeuner dans la forêt de Soignes ? elle est suivie comme un malfaiteur. Impassible elle se contente de déconcerter les détectives par des mots ironiques. Ne se venge-t-elle pas de l’un d’entre eux, — pauvre homme, dit-elle, qui jouait son triste rôle, — en l’invitant à déjeuner ?
Jusqu’en mai 1915, Mme Carton de Wiart, jouit d’une liberté relative. Ses œuvres se développent sans cesse : elle reçoit de nombreuses visites, échange une correspondance étendue et, par tous ces moyens, ravive en ses compatriotes la confiance et l’espoir. Par elle, les soldats blessés correspondent avec leur famille, par elle sont répandues les brochures patriotiques, la lettre pastorale du Cardinal Mercier, ou les discours prononcés par les ministres belges réfugiés en France, par elle enfin parviennent en Belgique des nouvelles de la guerre, de vraies nouvelles bien différentes des communiqués allemands.
Or le gouverneur de la Belgique, Von Bissing est hanté par la crainte d’un soulèvement. Mme Carton de Wiart, bien qu’elle soit seulement le centre d’une résistance passive et toute morale, lui parait une dangereuse conspiratrice. Il craint non seulement pour la