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Page:Abgrall - Et moi aussi j ai eu vingt ans.djvu/130

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— Eh bien, « paôtred » ! regardez-moi, hein ? En fait-on des coffres comme ça de ce côté-ci de la montagne ?

Et, avec un ostracisme méprisant il les toisait.

Chaque jour le succès du montagnard allait grandissant. On accourait l’entendre de partout. Oncques ne se vit pareille foule. Le nouvel apôtre, car c’en était un assurément, soulevait le peuple par sa parole véhémente et enthousiaste. Alors ce fut presque du délire. On se battit pour entrer dans l’église. Il fallut faire donner la police. Il y eut des bagarres, des blessés.

Comme conclusion à ce beau succès, Samm-laou était tout désigné pour le sermon de clôture. Un autre que le pouilleux se serait senti un peu froid au bas des entrailles, mais lui, entré définitivement dans son rôle, se jetait tête baissée dans l’aventure.

Le samedi, il y eut dîner à l’évêché. On mangea et on but. C’est là l’objet principal de tout dîner. L’abondance des vins n’enlevait pas à la saveur des mets. Le personnel domestique avait, outre des dispositions culinaires remarquables, des attentions pour chaque invité, notamment pour Samm-laou lequel, notablement saoul, raflait les coupes de ses voisins et par un juste retour des choses, leur versait la sauce dans leurs souliers. Hâtons-nous d’ajouter, à la décharge pour notre compatriote, qu’il n’était pas le seul à courtiser l’originalité. Il y avait, outre un gros moine du Relecq, qui s’obstinait à fourrer un gigot dans sa manche, un petit abbé léonard qui se faisait des moustaches avec du papier trempé dans les plats.

C’est alors que se produisit l’événement que nous relatons, bien que les chroniques de l’époque n’en aient point fait mention.

M. le recteur de La Feuillée grimpa sur la table, malgré les efforts du vicaire général. Mais après tout, comme à la fin de ces banquets on en voyait bien d’autres, Monsei-