Page:Abgrall - Et moi aussi j ai eu vingt ans.djvu/131

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gneur qui était indulgent ordonna de laisser la parole au perturbateur. Celui-ci déclara qu’il voulait tout simplement chanter sur le mode majeur. On applaudit. Monseigneur penchait à croire qu’il allait ouïr quelque beau cantique. Il ne fut pas déçu. Chavirant bouteilles et verres, Samm-laou gardait péniblement l’équilibre. Un instant de stabilité lui permit de commencer sa mélodie.


An aotrou person a Bleyben
An a c’hoantet eun anduillen
Dirdin, dirda…


Comme homélie, c’était réussi. Un moment ahurie, l’assistance pensa protester. Mais le vin bu inclinait à la plus grande largeur d’idée. L’assistance donc fit chorus au refrain en s’accompagnant du bris de vaisselle.


Abalamour d’e anduillen
Dirdin, dirda,
Chaned n’o ket an absolven
Dirdin, dirda,
Diou vicher vad zo war sa skoa…


Le lendemain, bénéficiant de ce que la totalité des abbés avait part de complicité dans l’histoire, M. le curé de La Feuillée fut averti qu’il n’aurait pas à faire le sermon. Monseigneur, en considération de la longueur du chemin qu’il avait à faire pour son retour le dispensait d’achever la retraite…

Tête basse, un peu mélancolique d’avoir frôlé la gloire, Samm-laou enfourcha Krav-Réor. Aux alentours de Saint-Corentin il fut pris dans la foule des mendiants, alertée, alléchée par la perspective d’aumônes considérables. Il fut reconnu. On lui fit fête.