Page:Abgrall - Et moi aussi j ai eu vingt ans.djvu/163

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insulte que l’on puisse se faire à soi-même ! Ont-elles eu l’effet espéré, les imprécations de « Janik Koat-fréo » et de tant d’autres ? Peut-être… Et sans brandir le drapeau d’un nationalisme outrancier, réjouissons-nous de cette résistance désespérée de notre « brezonek » que nous devons soutenir et faire survivre, avec cet acharnement, cette ferveur, cette persévérance quasi mystique, qui font de nous les vrais « pennou kaled », et qui nous marque du blason internissable des vieilles races fortes.

Quel plus bel acte de foi que de communier chaque jour dans cette langue maternelle avec l’âme des clans héroïques qui rôdent, par les soirs d’été, autour des menhirs et dans les chemins creux ? Et ces revenants qui ne trouvent plus sur la lande et sur les rochers, la flamme du souvenir, devant les brasiers éteints, réclamant au moins le « tantad » spirituel. Quelle meilleure preuve d’amour donnée au pays, que de le célébrer par ce langage celtique aux accents chers et familiers qui sont partie intégrante avec son cœur, et qui contribuent à faire vibrer ces mille choses ténues et ineffables que créent et imposent l’âme d’un sol ? C’est un culte qu’il nous faut honorer, qu’il nous faut soutenir et continuer et c’est cette musique délicieuse de la langue maternelle que viennent écouter, l’hiver, au seuil des chaumières du « Yun » les esprits malicieux ou débonnaires d’antan, escortés de feux follets et chevauchant de magnifiques légendes.

Non, la langue bretonne ne mourra pas ! elle ne doit pas mourir ! Il y a trop de passé sur elle ! Trop de siècles l’ont sanctifiée et sa tonalité, qu’a imprégnée le souffle des âges héroïques, révèle la musique des premiers chants humains, des premières luttes et des premiers espoirs. Et cette langue, symbole de l’épopée celtique, vivra tant que le rêve allumera ses splendides lueurs dans les yeux des