Page:Abgrall - Et moi aussi j ai eu vingt ans.djvu/32

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Les bords du stéthoscope enfoncent dans ma chair. Je serre les dents sans me plaindre. Les injonctions de cet homme m’ont mis au garde à vous. Il me fait une impression pénible, ce docteur laconique, au regard dur.

— J’enverrai les résultats à votre médecin, a-t-il conclu.

Dans un cabinet, vague laboratoire où pullulent les boîtes d’outils, les tubes, où s’étalent sur des plaques de verre des crachats à l’analyse, je me rhabille en hâte. J’étouffe là-dedans, malgré le froid glacial du parquet…

Quelques jours après je me réveillais sous le regard navré et inquiet de ma mère accourue de Paris, au cri d’alarme. Et ce fut le retour hâtif vers la vieille chaumière recueillie et sombre.

De gros baisers d’adieu. Une grille de Collège qui se ferme sur du passé. Un ciel gris de fer, un cœur plein d’amertume et, sans fleurs ni couronnes, six années meurent, s’enterrent, pauvrettes, par un jour morne de février distillant toute la tristesse du monde. Pas de plaque commémoratrice, non plus. Pas de nom. Pas de regrets. Nulle prière.

Petit collégien qui foule la galerie d’honneur, rappelle-toi qu’elle vit un après-midi, 1923, passer un désespéré !

Je descendis, titubant dans l’arène des luttes sourdes, face à la Mort sournoise qui vous épie chaque instant et qui ricane.

Ci-gît, rêves fous, belle jeunesse !

Là s’ouvre la tragique école de la douleur !

En avant, quand même !…