Page:Abgrall - Et moi aussi j ai eu vingt ans.djvu/80

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raient pas trop une disparition prématurée. Vous m’auriez peut-être rendu service en faisant une œuvre de salubrité publique !

— Diable !… Seriez-vous donc à ce point dégoûté de la vie ? Quel âge avez-vous ?

Décidément elle est carrée en affaires, cette mâtine.

— L’âge conscient de l’électeur inconscient.

Elle rit de bon cœur d’une trouvaille mal trouvée.

— Bah ! on vous donnerait à peine dix-sept ans…

D’un geste machinal je cherche ma moustache. Je la trouve bien jolie, de plus en plus jolie, cette jeune fille moderne, pleine d’allant, aux allures de garçonne. Quel âge, vingt-trois ? vingt-cinq au plus ! Je commence à croire que le modernisme a des charmes.

— Mais je vous retiens, Mademoiselle… Ne gaspillez pas de précieuses minutes. Je vous fais toutes mes excuses pour cet accident stupide et bien involontaire. Mademoiselle…

Avec une légère ironie, je tire ma révérence.

— Au fait, nous suivions de façons très diverses, la même direction. Vous allez ?

— Je ne sais au juste. À Huelgoat si vous y allez…

— Justement. Allez, hop ! en voiture !

Des leviers manipulés à toute vitesse, un moteur qui vrombit et l’auto démarre en souplesse. Amusé de l’aventure, j’examine avec complaisance le visage régulier de ma compagne… Devant nous, la route grimpe imperceptiblement, droite et blanche.

— Vous allez voir, je vais faire du cent…

Réception de gala. Du cent à l’heure ? Non, vraiment, je suis comblé. Je n’en demandais pas tant. Un petit cinquante me suffisait… Des yeux, je suis sur le compteur les oscillations de l’aiguille. 60 ! 70 ! 80 ! La voiture a des soubresauts. Le moteur chante à perdre haleine. 90 ! 95 !