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LES AILES QUI SE BRISENT


À Théophile Guyomarc’h[1]


Ici-bas j’ai voulu vivre mon idéal,
Ne doutant point de moi, ne doutant de personne,
Et croyant fermement au joli mot qui sonne,
Et mon réveil ne fut que d’autant plus brutal.

Passion d’idéal ! Cruelle erreur de l’âme,
Vague parfum de fleur, stupide enchantement !
Vaines illusions, mirage décevant
D’un banal mot d’amour, d’un sourire de femme.

… Et je n’emporterai que de pauvres regrets,
De lointains souvenirs, estompant leur tristesse,
Dans la fade saveur d’une morne caresse,
Qu’on offre sur-le-champ, tout en pensant : Jamais !

J’ai des doutes affreux — angoisse du dilemme —
Car j’ai pourtant chéri. Dites-moi, l’amitié
N’est-elle point parfois de l’obscure pitié ?
Mais le doute est humain ; on doute lorsqu’on aime.

  1. Le Barde Guyomarc’h est mort d’un accident d’auto, dans la nuit du 15 décembre 1929, en revenant de Botmeur, où il avait visité Abgrall alité