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AMOURS DE BERGERS

D’am C’Hender F. Bothorel, apotiker en Huelgoat.


Il n’avait pas dix ans. Je gage qu’elle, à peine,
Sur son front virginal accusait la douzaine…
Délaissant leurs troupeaux, tout en haut des rochers,
Ils se sentaient heureux de vivre, étant bergers !
Chargé de lourds embruns et de senteurs marines,
L’âcre vent de Gwalarn dilatait leurs narines,
Et leur mettait au cœur un besoin d’être fol,
De rire, de chanter, de rouler sur le sol,
Parmi les genêts verts et les bruyères roses,
Mariant leurs couleurs, mêlées d’apothéoses ;
Un besoin de crier aux oiseaux que le ciel
Rutile de soleil, que le parfum du miel
Rôde autour des bosquets dans un doux bruit d’abeilles.
Que mille chants divins ravissent les oreilles,
Que le « Menez » est plein d’insectes et de fleurs,
Du gai printemps gardant la tendresse et les pleurs,
Un besoin de clamer que le goût des myrtilles
Irrite le palais des garçons et des filles…

Loeizik et Mac’harit mordaient au même pain,
Buvaient l’eau des sources dans le creux de leur main,
Et puis se poursuivant, se barbouillaient d’airelle.
Qu’il fait bon dans l’Arrée et que la vie est belle !
Loeizik par ses dix ans avait l’âme d’un preux,
Les cheveux hérissés, le « fri louz » des morveux.