ment obligé l’autre, le premier est enclin à s’exagérer l’importance du service rendu ; le second ne tarde guère à se révolter contre cette espèce de vasselage, et l’on se brouille souvent pour avoir offert et accepté un prêt gratuit.
Entre hommes d’affaires, le créancier qui a prêté 100 fr. sur bonne garantie, et le débiteur qui en a restitué 105 au bout d’un an, sont quittes. Ils se sont réciproquement rendu des services d’égale valeur. Le premier a obligé le second en lui cédant pour une année la jouissance de 100 fr. ; le second a obligé le premier en lui donnant 5 francs de plus que les 100 francs qu’il avait reçus. Des deux côtés la reconnaissance due se compense et s’annule. Il n’y a ni bienfaiteur ni obligé, ni patronage ni clientèle.
Dans quel but la bienfaisance moderne a-t-elle remplacé les dons à l’oisiveté par le prêt au travail ? Ce n’est pas pour changer la forme de l’aumône, mais pour l’abolir. La pensée qui préside à cette généreuse révolution ne s’est jamais proposé de retenir les pauvres sous un patronage habilement déguisé. Il s’agit d’émanciper ceux-là même qu’on soulage et de les rendre à la fois plus heureux et plus libres. Dans un ordre social qui a l’égalité pour base, la bienfaisance la plus noble est celle qui permet aux déshérités d’amé-