Page:About - ABC du travailleur, 1868.djvu/130

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est naturellement porté à s’exagérer la valeur de tout ce qu’il produit ou possède, à déprécier la valeur du travail et des biens d’autrui.

Il faut pourtant se faire une raison et se soumettre aux leçons de l’expérience. Si vous avez un cheval à vendre, vous aurez beau l’estimer en vous-même cent mille francs ; quand tous les acquéreurs possibles vous en auront offert huit, neuf, dix mille francs au plus, vous finirez par reconnaître qu’il vaut dix mille francs au maximum et qu’il faut ou le garder pour vous, ou l’échanger contre dix mille francs. Quelque bonne opinion que vous ayez de vos talents et fussiez-vous intimement persuadé que votre travail vaut plus de cent francs l’heure, il faudra travailler à quatre francs par jour, ou vous croiser les bras, si personne ne vous offre un salaire plus élevé. Vous êtes d’un pays où le kilo de cerises vaut trente centimes en juin ; vous vous trouvez à Pétersbourg où tous les marchands le vendent six roubles, où tous les acheteurs le payent six roubles ; il faut nécessairement vous passer de cerises, ou reconnaître que les cerises, en juin, valent six roubles à Pétersbourg. Vous avez l’habitude de payer quarante centimes par heure le travail de vos ouvriers. S’ils refusent de travailler à moins de cinquante centimes, et si vous n’en trouvez pas d’autres qui