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ALSACE.

sans avoir étudié beaucoup et attesté par des examens sérieux une instruction supérieure. Ses officiers sont donc, à ses yeux, d’autres hommes que lui, son ignorance rend hommage à leur savoir ; il trouve tout naturel qu’un enseigne de vingt ans le tutoie et le traite avec une familiarité amicale. Il n’entrera jamais dans son esprit que l’inégalité des conditions à bord ait sa source dans le hasard ou la faveur ; vous ne l’entendrez pas murmurer, et dire comme les frondeurs de corps de garde : « La seule différence entre nos officiers et nous, c’est qu’ils vont au café et nous au cabaret ; nommez-moi capitaine et j’irai au café tout comme un autre ! » Veut-on que le respect de la hiérarchie soit aussi profond dans l’armée que dans la marine, il faut creuser entre les officiers et les soldats un fossé large et profond, que le mérite seul puisse franchir dans une épreuve publique. Il faut instruire les officiers pour discipliner les soldats.

La discipline prussienne, dont je rencontre un nouvel exemple au coin de toutes les rues, chaque fois qu’un soldat s’arrête comme pétrifié à la vue d’un officier, cette discipline de fer et de bois, toute mécanique et passive, a son principe dans l’inégalité des castes. Il ne faut donc pas espérer de l’introduire en France, mais la démocratie n’a pas encore aboli, grâce à Dieu, l’inégalité des talents.