Page:About - Causeries, deuxième série.djvu/120

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de Paris, perdue au pied des Vosges, oublie trop aisément la dépendance où la presse est réduite depuis 1852 ; il s’imagine que nos institutions se sont perfectionnées avec l’esprit public et que le pouvoir, comme la nation, peut entendre sans effroi les bonnes vérités dites sans haine et sans perfidie. À Paris, on sait mieux, on mesure plus exactement ce qui manque à la liberté ; on connaît mieux le poids de ces chaînes légales que la modération des ministres cache sous le velours, sans les alléger d’un centigramme. Voilà pourquoi notre fille est muette, et la causerie a chômé pendant huit jours.

Mais personne ne songe à faire grève dans les journaux, et je demande aux ouvriers intelligents qui nous lisent la permission de leur dire pourquoi.

Le journalisme est une industrie comme la fabrication des chapeaux ou la construction des voitures. Tous les matins, un camion chargé de papier blanc s’arrête à la porte d’une imprimerie ; tous les soirs, à quatre heures, les marchands accourent à la même porte pour prendre le produit fabriqué, qui n’est autre chose que ce papier noirci.

La seule différence entre nos produits et les vôtres, messieurs les chapeliers, c’est que nous remplissons les têtes que vous coiffez : vous protégez le crâne contre la pluie, nous défendons le cerveau contre l’ignorance ; vous ornez le dehors, nous