Page:About - Causeries, deuxième série.djvu/130

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durant un mois ou deux pour gagner tous les jours un franc de plus jusqu’à la fin de sa vie ? »

Cette combinaison a plusieurs côtés séduisants : d’abord, elle est ingénieuse et nous sommes Français ; puis elle a une couleur de solidarité fraternelle, et nous sommes démocrates ; enfin elle n’exige de personne aucun effort bien héroïque. Un corps d’état fait son pronunciamiento aux patrons, qui le repoussent ; aussitôt on déclare la guerre. Les travailleurs… je me trompe… les ouvriers, voulais-je dire, se divisent en deux corps d’armée. On convient que l’aile droite travaillera pour l’aile gauche, tandis que l’aile gauche chômera intrépidement en faveur de l’aile droite. On prévoit quelques privations dans le cours de la campagne, mais c’est presque un plaisir de se serrer le ventre pour conquérir une longue suite de prospérités.

Mais tandis que vous faites ce raisonnement, les patrons raisonnent aussi de leur côté. Ils se disent :

« Que deviendrons-nous, si nous nous laissons faire la loi ? Où s’arrêteront les prétentions de nos ouvriers ? Rien ne prouve qu’ils s’en tiendront toujours aux prix qu’ils nous demandent aujourd’hui. Si on leur laisse croire qu’ils sont plus forts que nous, ils voudront travailler de moins en moins et gagner de plus en plus, et cette progression nous conduira bientôt à des absurdités révoltantes.