Page:About - Causeries, deuxième série.djvu/141

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Celui qui paye le nécessaire à un taux raisonnable, assigne un prix raisonnable au travail qu’il produit. Mais si le pain que je mange se vend au poids de l’or, j’ai le droit de ne remuer ni pied ni patte avant que vous m’ayez couvert d’or.

L’or et l’argent se sont dépréciés par leur abondance, depuis qu’on exploite l’Australie et la Californie. La pièce de cinq francs ne vaut plus que cinquante sous, s’il est vrai que le prix de toutes choses ait doublé. C’est un ennui très-sérieux pour ceux qui étaient riches ; mais pour les pauvres, une véritable calamité. D’autant plus que la cherté s’est accrue par degrés insensibles à l’œil nu, et dans des proportions tout à fait irrégulières.

Si le prix de toutes choses avait monté avec ensemble comme une marée, les services que l’homme rend à l’homme seraient restés dans un rapport constant. Chacun donnant le double et recevant le double, il n’y aurait eu ni victimes, ni dupes. Mais les affaires ne marchent pas si régulièrement, même dans une civilisation avancée. Chacun commence par tirer à soi : c’est la loi de nature ; chacun se met en garde contre la cherté en se faisant payer plus cher. Et tout à coup, au milieu de la prospérité générale, il s’élève un cri de détresse. C’est une classe de la société, une classe tout entière et nombreuse qui s’est laissé prendre au dépourvu. Dans son insouciance, sa bonne foi,