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trente années à leur montrer la chose sous son vrai jour ?

— Il ne faut pas seulement trente minutes. Je leur dirai :

La société moderne reconnaît en vous les égaux de l’homme le plus fort, le plus intelligent, le plus instruit et le plus riche. Pourquoi ? Parce que l’être humain, quels que soient son âge, son sexe et les caractères accessoires qui le distinguent d’un autre individu, est le copartageant d’une souveraineté naturelle. Si vous ne voulez pas qu’on vous conteste votre droit, reconnaissez le droit d’autrui.

Vous êtes fort épris de la liberté, je vous en félicite ; à la condition expresse que vous saurez respecter la liberté d’autrui.

Vous trouveriez injustes et criminels ceux qui abuseraient de la force ou du nombre pour vous lier les mains et arrêter le travail qui vous fait vivre. N’abusez pas de ce que vous êtes les plus nombreux et les plus forts pour arrêter le travail d’autrui. Celui qui gagne honnêtement sa vie en travaillant fait l’œuvre la plus respectable et la plus sainte. Sa personne est aussi sacrée que tous les temples anciens et modernes ; car le travail est la providence visible de cette pauvre humanité. Vous avez le sentiment de la dignité qu’il vous donne ; n’outragez point par des violences inexcusables la dignité de celles qui travaillent comme vous.