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CAUSERIES.

M. Renan, afin de m’y reporter sans perdre une minute lorsqu’il se rencontrera dans le texte une équivoque ou une apparente contradiction. Dans l’état actuel de mes connaissances, plus je lis la Vie de Jésus, moins je comprends la véritable pensée de l’auteur. Il me semble tantôt qu’il est le plus joli chrétien du monde, tantôt que M. de Bonnechose a eu raison de fulminer contre lui. Par moments, je crois tenir un déiste de l’école de Rousseau, mais en ouvrant la main j’y trouve un coreligionnaire de Littré, de Laplace et de Lalande. Est-ce bien entendu ? non ! Voilà mon athée qui tombe à genoux et qui dépose religieusement une âme dans le sein de Dieu. Le diable soit des gens qui ne savent pas ce qu’ils pensent, ou qui le savent sans le dire, ou qui le disent et le contredisent, comme s’ils avaient à cœur de brouiller toutes les idées du pauvre monde ! Il me semble parfois que M. Renan est un grand orgueilleux, muni d’une belle et bonne doctrine, bien saine, bien ronde, bien appétissante, mais qui réserve la poularde pour la manger avec ses amis, distribuant les plumes au menu peuple. Certains philosophes grecs avaient ainsi deux enseignements, l’un pour quelques intimes, et l’autre pour le commun des martyrs ; mais je sais positivement que Socrate introduisit une nouvelle méthode. Vous me direz qu’il lui en coûta cher ; mais nous sommes en 1864, la ciguë a passé de mode, la métaphysique ne relève