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GAËTANA.

LE COMTE.

Mais, alors ?…

BIRBONE, fermement.

Je veux que madame Gaëtana soit heureuse

LE COMTE.

Et qui t’a permis de t’intéresser à son bonheur ?

BIRBONE.

Qui m’a permis ?… Le jour où je suis tombé sur le pavé en poussant des cris de douleur et de rage, tandis que je regardais d’un œil hagard ma main droite ballottant contre le coude, une modeste voiture s’arrêta près de moi ; une femme en descendit, suivie d’une petite fille de six ans. Elles étaient simplement vêtues, et pourtant elles me parurent aussi resplendissantes que la madone de Piedigrotta. Elles m’aidèrent à me relever, elles me firent porter dans leur voiture et me conduisirent chez elles. Je vois encore la petite Gaëtana se pencher sur moi, et une larme, une belle et noble larme, descendre lentement le long de sa joue et tomber sur mes lèvres. Elle a pénétré jusqu’au fond de mon cœur, elle s’y est incrustée, je la sens là, solide et brillante, comme cette goutte de rosée qui devient une perle en tombant dans la mer.

LE COMTE.

Tu es un plaisant faquin ! Parce que madame del Grido t’a ramassé dans la poussière, tu veux l’acquitter envers elle en assassinant son mari !

BIRBONE.

Aimez-vous mieux que son mari la tue ? Je n’ai jamais vu M. del Grido, mais je sais qu’il l’a épousée en secondes noces et que l’autre mariage n’avait pas été plaisant. Sa première femme est morte jeune, tuée à coups d’épingle ou même autrement : personne ne l’a su. Elle l’avait trompé, c’est possible, mais si tous les maris de la confrérie se mettaient à égorger leurs femmes, le genre humain serait veuf en moins de quinze jours. Madame Gaëtana ne m’a pas consulté sur le choix de son futur, et c’est dommage. Enfin, le mal est fait ; c’est à moi de le réparer.