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léance du ministère de la marine, le sabre et les épaulettes du défunt, et une pension de 750 francs pour rouler carrosse sur mes vieux jours. Veuve ! veuve ! veuve ! il n’y a pas un plus joli mot dans la langue française. Je me suis habillée de noir ; je me promène à pied dans les rues, et j’ai des démangeaisons d’arrêter les passants pour leur apprendre que je suis veuve.

J’ai reconnu dans cette occasion que je n’étais pas une femme ordinaire. J’en sais plus d’une qui aurait pleuré par faiblesse humaine et pour donner une petite satisfaction à ses nerfs ; moi, j’ai ri comme une folle et je me suis roulé sur le Tas qui n’en pouvait mais. Il n’y a plus de Chermidy ; Chermidy n’est plus ; pas plus de Chermidy que sur la main ; nous avons le droit de dire feu Chermidy !

Vous savez, tombeau des secrets, que je n’avais jamais aimé cet homme-là. Il ne m’était de rien. Je portais son nom, j’avais supporté ses bourrades ; deux ou trois soufflets qu’il m’a donnés étaient les seuls liens que l’amour eût formés entre nous. Le seul homme que j’aie aimé, mon véritable mari, mon époux devant Dieu, ne s’est jamais appelé Chermidy. Ma fortune ne vient pas de ce matelot ; je ne lui dois rien, et je serais bien hypocrite de le pleurer. N’avez-vous pas assisté à notre dernière entrevue ? Vous souvient-il de la grimace conjugale qui embellissait ses traits ? Si vous n’aviez pas été présent,