Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/124

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« Mais alors, s’écria Fougas, mon empereur est mort !

— Oui.

— C’est impossible ! Racontez-moi tout ce que vous voudrez, excepté ça ! Mon empereur est immortel. »

M. Nibor et les Renault, qui n’étaient pourtant pas historiens de profession, furent obligés de lui faire en abrégé l’histoire de notre siècle. On alla chercher un gros livre écrit par M. de Norvins et illustré de belles gravures par Raffet. Il n’accepta la vérité qu’en la touchant du doigt, et encore s’écriait-il à chaque instant : « C’est impossible ! Ce n’est pas de l’histoire que vous me lisez ; c’est un roman écrit pour faire pleurer les soldats ! »

Il fallait, en vérité, que ce jeune homme eût l’âme forte et bien trempée, car il apprit en quarante minutes tous les malheurs que la fortune avait répartis sur dix-huit années, depuis la première abdication jusqu’à la mort du roi de Rome. Moins heureux que ses anciens compagnons d’armes, il n’eut pas un intervalle de repos entre ces chocs terribles et répétés qui frappaient tous son cœur au même endroit. On aurait pu craindre que le coup ne fît balle et que le pauvre Fougas ne mourût dans la première heure de sa vie. Mais ce diable d’homme pliait et rebondissait tour à tour comme un ressort. Il cria d’admiration en écoutant les