la ville ; et le soleil de juin ne se lassait pas d’éclairer cet heureux groupe de braves gens. Mais Mme Renault s’écria tout à coup que le pauvre enfant devait mourir de faim, et qu’il y avait de la barbarie à retarder si longtemps l’heure de son dîner. Il eut beau protester qu’il avait déjeuné à Paris et que la faim parlait moins haut que la joie : toute la compagnie se jeta dans deux grandes calèches de louage, le fils à côté de la mère, le père en face, comme s’il ne pouvait rassasier ses yeux de la vue de ce cher fils. Une charrette venait derrière avec les malles, les grandes caisses longues et carrées et tout le bagage du voyageur. À l’entrée de la ville, les cochers firent claquer leur fouet, le charretier suivit l’exemple, et ce joyeux tapage attira les habitants sur leurs portes et anima un instant la tranquillité des rues. Mme Renault promenait ses regards à droite et à gauche, cherchant des témoins à son triomphe et saluant avec la plus cordiale amitié des gens qu’elle connaissait à peine. Plus d’une mère la salua aussi, sans presque la connaître, car il n’y a pas de mère indifférente à ces bonheurs-là, et d’ailleurs la famille de Léon était aimée de tout le monde ! Et les voisins s’abordaient en disant avec une joie exempte de jalousie :
« C’est le fils Renault, qui a travaillé trois ans dans les mines de Russie et qui vient partager sa fortune avec ses vieux parents ! »