Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/157

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dans mon cœur. Tout cela n’est pas bien clair, je l’avoue, mais je ne me comprends pas moi-même.

— Fleur azurée de l’innocence, j’adore ton aimable embarras. Laisse faire l’amour, il te parlera bientôt en maître !

— Je n’en sais rien ; c’est possible… Nous voici chez nous. Bonsoir, monsieur ; embrassez-moi !… Bonne nuit, Léon ; ne vous querellez pas avec M. Fougas : je l’aime de toutes mes forces, mais je vous aime autrement, vous ! »

La tante Virginie ne répondit point au bonsoir de Fougas. Quand les deux hommes furent seuls dans la rue, Léon marcha sans dire mot jusqu’au prochain réverbère. Arrivé là, il se campa résolument en face du colonel, et lui dit :

« Ah çà ! monsieur, expliquons-nous, tandis que nous sommes seuls. Je ne sais par quel philtre ou quelle incantation vous avez pris sur ma future un si prodigieux empire ; mais je sais que je l’aime, que j’en suis aimé depuis plus de quatre ans, et que je ne reculerai devant aucun moyen pour la conserver et la défendre.

— Ami, répondit Fougas, tu peux me braver impunément : mon bras est enchaîné par la reconnaissance. On n’écrira pas dans l’histoire : « Pierre-Victor fut ingrat ! »

— Est-ce qu’il y aurait plus d’ingratitude à vous couper la gorge avec moi qu’à me voler ma femme ?