Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/168

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régulier, ni disciplinaire ; mais il faut bien passer quelque chose à de braves soldats qui retrouvent un ancêtre. C’était pour eux comme une petite débauche de gloire.

Le héros de la fête serra la main du colonel et des officiers avec autant d’effusion que s’il avait retrouvé de vieux camarades. Il salua cordialement les sous-officiers et les soldats, s’approcha du drapeau, mit un genou en terre, se releva fièrement, saisit la hampe, se tourna vers la foule attentive et dit :

« Amis, c’est à l’ombre du drapeau qu’un soldat de la France, après quarante-six ans d’exil, retrouve aujourd’hui sa famille. Honneur à toi, symbole de la patrie, vieux compagnon de nos victoires, héroïque soutien de nos malheurs ! Ton aigle radieuse a plané sur l’Europe prosternée et tremblante ! Ton aigle brisée luttait encore obstinément contre la fortune, et terrifiait les potentats ! Honneur à toi qui nous as conduits à la gloire, à toi qui nous as défendus contre l’accablement du désespoir ! Je t’ai vu toujours debout dans les suprêmes dangers, fier drapeau de mon pays ! Les hommes tombaient autour de toi comme les épis fauchés par le moissonneur ; seul, tu montrais à l’ennemi ton front inflexible et superbe. Les boulets et les balles t’ont criblé de blessures, mais jamais l’audacieux étranger n’a porté la main sur toi. Puisse l’avenir ceindre ton front de nouveaux lauriers ! Puisses-tu conquérir