Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/17

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Personne ne saurait dire pourquoi les baisers et les larmes recommencèrent alors à pleuvoir, mais il est certain que ce fut comme une deuxième arrivée.

« La soupe ! » cria Gothon.

Mme Renault prit le bras de son fils, contrairement à toutes les lois de l’étiquette, et sans même demander pardon aux respectables amis qui se trouvaient là. À peine s’excusa-t-elle de servir l’enfant avant les invités. Léon se laissa faire et bien lui en prit : il n’y avait pas un convive qui ne fût capable de lui verser le potage dans son gilet plutôt que d’y goûter avant lui.

« Mère, s’écria Léon la cuiller à la main, voici la première fois, depuis trois ans, que je mange de bonne soupe ! »

Mme Renault se sentit rougir d’aise et Gothon cassa quelque chose ; l’une et l’autre s’imaginèrent que l’enfant parlait ainsi pour flatter leur amour-propre, et pourtant il avait dit vrai. Il y a deux choses en ce monde que l’homme ne trouve pas souvent hors de chez lui : la bonne soupe est la première ; la deuxième est l’amour désintéressé.

Si j’entreprenais ici l’énumération véridique de tous les plats qui parurent sur la table, il n’y aurait pas un de mes lecteurs à qui l’eau ne vînt à la bouche. Je crois même que plus d’une lectrice délicate risquerait de prendre une indigestion. Ajoutez, s’il