Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/178

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tine, et voilà pour l’infanterie ? Pareras-tu celle-ci ? Oui, traître ! Et celle-là ? Encore ! mais tu les pareras donc toutes, sacreventrenom de bleu ! Victoire ! Ah ! monsieur ! Votre sang coule ! Qu’ai-je fait ? Au diable l’espadon, le cheval et tout ! Major ! major, accourez vite ! Monsieur, laissez-vous aller dans mes bras ! Animal que je suis ! Comme si tous les soldats n’étaient pas frères ! Ami, pardonne-moi ! Je voudrais racheter chaque goutte de ton sang au prix de tout le mien ! Misérable Fougas, incapable de maîtriser ses passions féroces ! Ô vous, Esculape de Mars ! dites-moi que le fil de ses jours ne sera pas tranché ! Je ne lui survivrais pas, car c’est un brave ! »

M. du Marnet avait une entaille magnifique qui écharpait le bras et le flanc gauches, et le sang ruisselait à faire frémir. Le chirurgien, qui s’était pourvu d’eau hémostatique, se hâta d’arrêter l’hémorragie. La blessure était plus longue que profonde ; on pouvait la guérir en quelques jours. Fougas porta lui-même son adversaire jusqu’à la voiture, et ce n’est pas ce qu’il fit de moins fort. Il voulut absolument se joindre aux deux officiers qui ramenaient M. du Marnet à la maison ; il accabla le blessé de ses protestations, et lui jura tout le long du chemin une amitié éternelle. Arrivé, il le coucha, l’embrassa, le baigna de ses larmes et ne le quitta point qu’il ne l’eût entendu ronfler.