Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/200

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saigne encore toutes les fois que j’y pense, et tu es, pardieu ! bien heureux de n’avoir pas vu ça. J’ai reçu trois balles dans le torse et j’ai passé général de division. Enfin, je n’ai pas le droit de me plaindre, puisque la campagne d’Italie m’a porté bonheur. Me voilà maréchal de France, avec cent mille francs de dotation, et même duc de Solferino. Oui, l’Empereur a mis une queue à mon nom. Le fait est que Leblanc tout court, c’était un peu court.

— Tonnerre ! s’écria Fougas, voilà qui est bien. Je te jure, Leblanc, que je ne suis pas jaloux de ce qui t’arrive ! C’est assez rare, un soldat qui se réjouit de l’avancement d’un autre ; mais vrai, du fond du cœur, je te le dis : tant mieux ! Tu méritais tous les honneurs, et il faut que l’aveugle déesse ait vu ton cœur et ton génie à travers le bandeau qui lui couvre les yeux !

— Merci ! mais parlons de toi : où allais-tu lorsque je t’ai rencontré ?

— Voir l’Empereur.

— Moi aussi ; mais où diable le cherchais-tu ?

— Je ne sais pas ; on me conduisait.

— Mais il est aux Tuileries !

— Non !

— Si ! il y a quelque chose là-dessous ; raconte-moi ton affaire. »

Fougas ne se fit pas prier ; le maréchal comprit à quelle sorte de danger il avait soustrait son ami.