Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/225

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Le colonel ne bougea non plus qu’un roc.

« Diable soit des langues de femme ! Asseyez-vous, la vieille… et éloignez vos mains de mes yeux : ça pique. Toi, l’enflé, remonte sur ta chaise, et écoute-moi. Il sera toujours temps de plaider, si nous n’arrivons pas à nous entendre. Mais le papier timbré me pue au nez : c’est pourquoi j’aime mieux traiter à l’amiable. »

M. et Mme Meiser se remirent de leur première émotion. Ils se défiaient des magistrats, comme tous ceux qui n’ont pas la conscience nette. Si le colonel était un pauvre diable qu’on pût éconduire moyennant quelques thalers, il valait mieux éviter le procès.

Fougas leur déduisit le cas avec une rondeur toute militaire. Il prouva l’évidence de son droit, raconta qu’il avait fait constater son identité à Fontainebleau, à Paris, à Berlin ; cita de mémoire deux ou trois passages du testament, et finit par déclarer que le gouvernement prussien, d’accord avec la France, appuierait au besoin ses justes réclamations.

« Tu comprends bien, ajouta-t-il en secouant Meiser par le bouton de son habit, que je ne suis pas un renard de la chicane. Si tu avais le poignet assez vigoureux pour manœuvrer un bon sabre, nous irions sur le terrain, bras dessus, bras dessous, et je te jouerais la somme en trois points, aussi vrai que tu sens le bouillon !