Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/243

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Ce soir-là, M. Langevin raconta à sa femme qu’en revenant du cercle, à dix heures, il avait été accosté brutalement par un ivrogne. Il le prit d’abord pour un malfaiteur et s’apprêta à se défendre ; mais l’homme se contenta de l’embrasser et s’enfuit à toutes jambes. Ce singulier accident jeta les deux époux dans une série de conjectures plus invraisemblables les unes que les autres. Mais comme ils étaient jeunes tous les deux, et mariés depuis sept ans à peine, ils changèrent bientôt de conversation.

Le lendemain matin, Fougas, chargé de bonbons comme un baudet de farine, se présenta chez M. Langevin. Pour se faire bien venir de ses deux petits-enfants, il avait écrémé la boutique du célèbre Lebègue, qui est le Boissier de Nancy. La servante qui lui ouvrit la porte demanda si c’était lui que monsieur attendait.

« Bon ! dit-il ; ma lettre est arrivée ?

— Oui, monsieur ; hier matin. Et vos malles ?

— Je les ai laissées à l’hôtel.

— Monsieur ne sera pas content. Votre chambre est prête là-haut.

— Merci ! merci ! merci ! Prends ce billet de cent francs pour la bonne nouvelle.

— Oh monsieur, il n’y avait pas de quoi !

— Mais où est-il ? Je veux le voir, l’embrasser, lui dire…