Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/52

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querons jamais de rien. Nos amis m’ont reçu hier à bras ouverts ; nous n’avons pas d’ennemis. La plus jolie personne de Fontainebleau consent à devenir ma femme ; je peux l’épouser avant trois semaines, s’il me plaît de hâter un peu les événements. Clémentine ne m’a pas abordé comme un indifférent ; il s’en faut. Ses beaux yeux me souriaient hier soir avec la grâce la plus tendre. Il est vrai qu’elle a pleuré à la fin, c’est trop sûr. Voilà mon seul chagrin, ma seule préoccupation, la cause unique du sot rêve que j’ai fait cette nuit. Elle a pleuré, mais pourquoi ? Parce que j’avais été assez bête pour la régaler d’une dissertation et d’une momie. Eh bien ! je ferai enterrer la momie, je rengainerai mes dissertations, et rien au monde ne viendra plus troubler notre bonheur ! »

Il descendit au rez-de-chausée en fredonnant un air des Nozze. M. et Mme Renault, qui n’avaient pas l’habitude de se coucher après minuit, dormaient encore. En entrant dans le laboratoire, il vit que la triple caisse du colonel était refermée. Gothon avait posé sur le couvercle une petite croix de bois noir et une branche de buis béni. « Faites donc des collections ! » murmura-t-il entre ses dents, avec un sourire tant soit peu sceptique. Au même instant, il s’aperçut que Clémentine, dans son trouble, avait oublié les présents qu’il avait apportés pour elle. Il en fit un paquet, regarda sa montre et jugea qu’il