Page:About - L’Homme à l’oreille cassée.djvu/80

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fallait-il donc vous renvoyer en France quand le sol de votre patrie était couvert de nos soldats et de nos alliés ? Je vous ai épargné ce spectacle si douloureux pour une âme comme la vôtre. Sans doute vous auriez eu la consolation de revoir, en mars 1815, l’homme fatal à qui vous aviez consacré votre dévouement ; mais êtes-vous bien sûr que vous n’eussiez pas été englouti avec sa fortune dans le naufrage de Waterloo ?

Depuis cinq ou six ans, ce n’est plus ni votre intérêt, ni même l’intérêt de la science qui m’a empêché de vous ranimer, c’est… pardonnez-le-moi, monsieur le colonel, c’est un lâche attachement à la vie. Le mal dont je souffre, et qui m’emportera bientôt, est une hypertrophie du cœur ; les émotions violentes me sont interdites. Si j’entreprenais moi-même cette grande opération, dont j’ai tracé la marche dans un programme annexé à ce testament, je succomberais sans nul doute avant de l’avoir terminée ; ma mort serait un accident fâcheux qui pourrait troubler mes aides et faire manquer votre résurrection.

Rassurez-vous, vous n’attendrez pas longtemps. Et, d’ailleurs, que perdez-vous à attendre ? Vous ne vieillissez pas, vous avez toujours vingt-quatre ans, vos enfants grandissent ; vous serez presque leur contemporain lorsque vous renaîtrez ! Vous êtes venu pauvre à Liebenfeld, pauvre vous êtes dans ma mai-