du manége Leblanc. Bon gré mal gré, il fallut partir et lutter de vitesse.
Cependant le cheval de bagage, susceptible comme tous les gens de petit métier, s’indignait dans son âme paysanne contre messieurs de la selle, qui affectaient de galoper devant lui. « Parce qu’on a quelques matelas sur le dos, et quelques cartons et quelques assiettes, vous pensez qu’on n’est qu’un âne ! mais attendez ; je vous montrerai si j’étais fait pour porter le bât. » Au premier bond, nos assiettes furent à terre : dix belles assiettes toutes neuves ! il n’en resta que des miettes. Au second, nos matelas s’implantèrent sur un buisson de lentisques. Au troisième, l’animal était loin. Son collègue, qui portait Leftéri, rappelé au sentiment du devoir par la présence de son maître, et saisi d’horreur à l’aspect des ruines que l’ambition sème sur son passage, s’arrêta net et refusa de mettre un pied devant l’autre. Quant au cheval de Garnier, il courait depuis longtemps derrière le mien.
Par malheur, nous étions en plaine, et dans une plaine inculte : pas un rocher pour arrêter les chevaux ; pas une terre labourée pour les fatiguer. Je dois dire, pour être juste, que le cheval de Curzon, qui nous menait tous, suivait à peu près le droit chemin, et qu’il nous dirigeait sur Calamaki ; mais nous aurions voulu arriver moins vite.
Au bout d’une énorme minute, mon cheval arriva, toujours second, sur le sable de la mer. J’avais bonne envie de le pousser à l’eau pour le rafraîchir ; mais j’eus beau tirer à gauche, son concurrent prenait à droite, il suivit à droite. Un peu plus loin je