Page:About - La Grèce contemporaine.djvu/129

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découvris à ma portée un rocher d’une assez belle venue. Je songeai à casser la tête de mon cheval, mais je me retins en pensant à la mienne. Une seconde minute s’écoula : je croyais courir depuis une heure. Derrière moi j’entendais le galop d’un cheval et le bruit d’une chose qui traîne. Je songeais avec horreur que c’était peut-être mon ami Garnier, et j’essayais d’arracher mon pied gauche de l’étrier : l’étrier était pris entre ma guêtre et mon soulier.

Nous avions quitté la grève, et nous courions en pays plat sur une étroite presqu’île. Je pensais en moi-même que les chevaux du champ de Mars font du chemin les jours de course. Il me revenait aussi certains vers du récit de Zampa, et son terrible refrain bourdonnait à mon oreille. La presqu’île allait finir, je retrouvais la mer, et cette fois la rive semblait escarpée. Le cheval de Curzon s’arrêta, je respirai ; mais en entendant le galop du mien, il repartit de plus belle. J’étais haletant ; ma main était coupée comme si j’avais fait de l’herbe pendant huit jours ; mes oreilles entendaient le son des cloches, mes yeux se troublaient : je fis un effort désespéré pour dégager mon pied, et je sautai à terre, la tête la première.

Je restai quelques instants étourdi : il me semblait que j’avais une grande foule autour de moi, qu’on faisait de la musique et qu’on m’offrait des glaces. J’entendis réciter cinq ou six madrigaux que je me promis de retenir. Lorsque j’ouvris les yeux et que je me reconnus, j’étais seul, étendu sur le dos, à cinquante pas de mon chapeau. J’aperçus un oiseau noir sur un arbre : c’était mon manteau, que je