Les bœufs, qui sont si beaux et si nombreux en Italie, sont rares et maigres dans la Grèce. Athènes ne possède que cinq ou six vaches. On n’y boit d’autre lait que le lait de brebis ; on n’y mange que leur beurre, qui est blanc, léger et assez agréable, malgré un arrière-goût de suif.
Les brebis sont une des grandes richesses du pays. On compte plus de quatre millions de bêtes à laine dans le royaume[1]. Elles trouvent partout à se nourrir ; elles broutent les asphodèles et au besoin les chardons. On ne fait pas de moutons. La brebis n’a d’autre emploi que de fournir du lait et des agneaux. Le lait est transformé en fromage frais ; le fromage frais change de nom le lendemain et s’appelle minsithra : c’est un régal délicieux. La minsithra se sale dans des cuves ; le fromage salé se renferme dans des outres et s’expédie ainsi à toutes les villes du royaume. Devant chaque baccal ou boutique d’épicier, on voit une outre éventrée, pleine d’une substance blanchâtre et grumeleuse que le marchand puise avec ses mains : c’est du fromage de brebis.
Les agneaux sont tous destinés à la Pâque. Le jour de cette grande fête, que les Grecs appellent par excellence la lambri, la brillante, il n’est pas une famille dans le royaume qui ne mange un agneau. Le vendredi saint, la ville d’Athènes est envahie par une cinquantaine de grands Valaques vêtus de hail-
- ↑ Ce nombre s’est accru d’un quart dans le courant de l’année 1854. Ce n’est pas que les brebis aient fait double portée ; mais les héros de la Thessalie n’ont pas voulu rentrer sans butin. Ils sont partis soldats, ils sont revenus bergers.
(Note de la 2e édition.)