vais visités quelques mois auparavant, « Oui, me dit-il, tout cela n’est pas trop mal. Nous végétons convenablement. Nous faisons un peu de bien au pays, mais nous n’en serons jamais récompensés. Nous aurons beau faire, tout ce qui peut nous arriver de plus heureux, c’est d’amasser quelque argent. Mais les places, les distinctions, les honneurs, tout cela n’est pas fait pour nous.
— Comment ! Lorsque vous dotez la Grèce d’une industrie qui doit l’enrichir !
— Hélas ! monsieur, nous ne sommes pas citoyens.
— Vous n’êtes pas Grecs ?
— Pardon ; mais nous sommes hétérochthones. »
Ce n’est pas seulement l’indifférence du gouvernement et l’absurdité des lois qui s’opposent au progrès des manufactures, c’est surtout l’esprit d’individualisme et la rage de décentralisation dont les Grecs sont possédés. Lorsqu’un ouvrier sait son métier, il quitte la manufacture, il charge ses outils sur son dos, et il s’en va de village en village, de maison en maison, criant : « Avez-vous des cocons à filer ? » Le paysan donne la préférence à ces filateurs ambulants qui travaillent devant sa porte, qu’il peut surveiller de plus près, et qui ne lui demandent que cinq ou six drachmes par oque de soie.
Quand la Grèce aura un gouvernement, que les mines de Koumi seront exploitées, que le pays sera traversé en tous sens par des routes carrossables, et que la loi des hétérochthones sera rapportée, toutes les filatures du royaume pourront se donner le luxe d’une machine à vapeur de la force de quatre chevaux, qui fera marcher deux cents métiers à la fois