mots. Elle ne prend aucun soin pour cacher ou pour soutenir le sein formidable qui a abreuvé toute cette petite famille. Elle s’avance d’un pas majestueux, le ventre en avant, comme une oie. Ainsi le dit la chanson : « Abaissez-vous, montagnes, afin que je voie Athina, Athina mes amours, qui marche comme une oie ! »
La mère de famille a une pitié profonde pour les femmes qui ont le malheur d’être stériles. Lorsque nous voyagions, les hommes nous demandaient tous si nous étions mariés, les femmes si nos mères avaient beaucoup d’enfants. On raconte que, dans le temps où le roi Othon parcourait le pays avec la jeune reine pour la montrer à son peuple, la femme d’un dimarque (ou maire), venue pour complimenter sa souveraine, lui frappa sans façon sur le ventre, en disant : « Eh bien ? y a-t-il un héritier là dedans ? » La reine dut regretter en ce moment l’étiquette des cours d’Allemagne.
L’émulation des mères de famille devrait avoir doublé en vingt ans la population du royaume ; mais la fièvre y a mis bon ordre. En été, les enfants meurent comme des mouches. Ceux qui vivent ont le plus souvent les jambes maigres et le ventre ballonné jusqu’à l’âge de treize ou quatorze ans. Les parents sauvent ce qu’ils peuvent, et ne s’inquiètent pas beaucoup de pleurer le reste : ils savent que jusqu’à treize ans la vie de leurs enfants est provisoire. Je demandais un jour à un haut fonctionnaire combien il avait eu d’enfants. Il compta sur ses doigts et me répondit : « Onze ou douze, je ne sais ; il m’en reste sept. »