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LA GRÈCE CONTEMPORAINE.
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l’autre jouissait de tous ses avantages de cheval, et nous lui avions confié les matelas et les vivres, l’espoir de nos jours et de nos nuits. Il était fier de son emploi et marchait d’un pas relevé. Mais le porteur d’échelles, soit surprise de se voir ainsi bâté, soit jalousie contre son compagnon qui était moins chargé que lui, soit par un effet de ce préjugé qui nous fait mépriser les fonctions modestement utiles, n’aspirait qu’à se défaire du fardeau dont notre confiance l’avait revêtu. Il se jetait contre les maisons, contre les murs, contre les passants, l’échelle la première. Son maître le suivait de près, et tantôt le piquait rudement avec le bout d’un magnifique parapluie bleu, tantôt le ramenait en arrière par le bâton d’une échelle, tantôt le poussait à droite ou à gauche, en manœuvrant l’échelle comme un gouvernail. Deux ânes, qui devaient nous servir de montures, devinèrent de bonne heure que la route serait pénible ; ils profitèrent du désordre pour s’échapper, entrer dans une maison et s’y barricader si bien qu’on les y laissa. Notre troupe fut ainsi réduite à sept personnes dont deux chevaux. Chaque animal avait son pilote : tel est l’usage ; qui loue la bête a l’homme par-dessus le marché. Les échelles allaient devant, les bagages ensuite, puis Garnier avec sa longue pique, puis moi avec mon fusil, enfin le domestique avec nos cartons et nos papiers. Au détour de chaque chemin, le méchant borgne nous jouait quelque tour de sa façon ; son camarade indigné refusait de marcher, le parapluie bleu faisait son office ; les conducteurs poussaient une espèce de hurlement nasal pour encourager leurs bêtes ; les chiens du pays, qui n’ont