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Page:About - La Grèce contemporaine.djvu/239

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Garnier chez un anagnoste, ou lecteur. Ce brave homme paraissait assez content de son état. Je lui demandai un jour s’il ne chercherait pas à s’élever à la dignité de papas. « Non, me dit-il ; je ne gagnerais pas beaucoup plus, et j’aurais trop à faire. Ma vigne me rend tant, mon église tant ; j’ai tant d’heures de travail par semaine ; il me reste assez de loisir pour boire un coup avec mes voisins lorsqu’il m’en prend envie ou pour faire danser mon petit Basile sur mes genoux : pourquoi veux-tu que j’aie de l’ambition ? » Le gouvernement entretient cinq missionnaires chargés de répandre la parole divine dans les campagnes ; il paye dans la capitale deux professeurs de musique sacrée, qui forment la jeunesse à l’art mélodieux de chanter du nez. L’État paye la pension de vingt boursiers au séminaire fondé par l’hétérochthone M. Rhizaris.

Un matin que nous nous étions arrêtés pour déjeuner dans une cabane du village d’Isari, la foule vint, comme à l’ordinaire, se presser autour de nous et se mirer dans nos assiettes. Le plus remarquable de tous nos visiteurs était un sapeur robuste et trapu, qu’à sa longue barbe et à son bonnet noir je reconnus pour le papas du village. Il vint sans façon s’accroupir à mon côté ; il m’adressa la parole, et, lorsqu’il vit que je lui répondais, il poussa des cris d’admiration :

Du grec ! Il sait du grec ! du grec ! quelle douceur !

Dans son naïf enthousiasme, il me jura du premier bond une amitié éternelle. Comme on n’a pas de secret pour ses amis, il se mit à me conter ses affaires,