reconnaît au Jardin des Plantes un arbre de son pays. Quand le torrent eut coulé, je repris :
— Madame la duchesse, vous avez une mémoire admirable. Vous ne devez pas avoir oublié l’aventure qui…
— Moi ! Reprit-elle, je n’ai rien oublié, et j’ai beaucoup appris. Je sais tout ce qui s’est passé dans Athènes depuis mon arrivée en Grèce. Je sais… tenez ! Je sais trop de choses, et plusieurs que je voudrais oublier. Une surtout… »
Je croyais tenir mon histoire. J’en étais loin. La duchesse poursuivit :
« Une surtout dont j’ai rêvé plus d’une fois, et qu’il faut que je vous conte. »
Je tendis avidement les deux oreilles.
« Croiriez-vous que dans ce pays on enterre quelquefois les gens tout vifs ?
— Sont-ce les brigands qui… ?
— Non, les fossoyeurs. Il y avait dans la ville un brave homme sujet à des évanouissements de douze heures. Un jour il en eut un de vingt-Quatre ; on le crut mort et on l’enterra. Le lendemain, le fossoyeur, qui travaillait dans le voisinage, entendit du bruit dans la bière. Il n’en parla à personne. Mais deux ou trois jours après, rencontrant la veuve du mort, il lui dit : « Il paraît que ton mari ne se plaît guère dans l’autre monde, car il fait un bruit à réveiller tous ses voisins. » La bonne femme courut donner de l’argent aux églises : c’est ainsi, au dire des papas, qu’on soulage les morts. Elle apprit, chemin faisant, à ceux qu’elle rencontrait, que feu son mari lui donnait bien de l’embarras, et qu’il ne pouvait se décider