rivière, qui a bien dix mètres de large, coule avec rapidité, entraînant dans ses eaux jaunes des débris de toute espèce. Elle dévore ses rives, et emporte souvent jusque dans l’Alphée les arbres qui ont grandi sur ses bords. Jamais, en cet endroit, un rayon de soleil ne pénètre jusqu’à la surface de l’eau, tant les arbres des deux rives rapprochent et confondent leur feuillage. Ce sont des platanes au tronc marbré, de grands saules plantés au milieu de la rivière, qui éparpillent dans les airs leur graine cotonneuse, et dessinent sur l’eau l’ombre grêle de leur feuillage ; des chênes verts, dont le feuillage sombre s’anime au printemps des plus beaux tons roux ; des frênes au tronc noueux, à la feuille découpée ; des arbousiers qui laissent pendre en groupe leurs grosses framboises vertes ; des ormeaux, ces pauvres ormeaux classiques, dédaignés des poëtes de nos jours, et bien déchus du haut rang où la rime les avait mis ! Ce sont des lentisques odorants, dont la moindre tige, pourvu qu’on la laisse croître, forme au bout de dix ans un môle de feuillage ; des églantiers, des aubépines roses qui laissent tomber sur nos têtes une pluie de pétales et de parfum. Et partout des clématites, des vignes, des lianes de toute espèce. Souvent une vigne sauvage s’empare d’un arbre, l’escalade de branche en branche jusqu’au sommet, et retombe à ses pieds en cascade. Souvent on trouve quelque grand arbre sans nom et sans forme : le lierre l’a étouffé dans ses bras, et revêt ce cadavre d’un feuillage éternel. À nos pieds la terre est couverte de jeunes fougères dont les extrémités sont encore recroquevillées comme des scorpions. L’herbe, verte et
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