Page:About - La Grèce contemporaine.djvu/393

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jamais ; qui bâtit des maisons de pierre et se rassemble tous les soirs autour du même foyer pour conter les histoires du temps passé. La charrue était arrêtée au bout d’un sillon : les bœufs dételés s’étaient couchés par terre, et ruminaient en sommeillant. Un peu plus loin, les brebis et les chèvres du troupeau s’entassaient pêle-mêle à l’ombre de quelques arbres, et ne songeaient qu’à se défendre du soleil : la chaleur était accablante. Nous poussâmes nos chevaux jusqu’à la tente ; on fit taire les chiens, qui aboyaient en nous montrant les dents : ce n’est pas en Grèce que le chien est l’ami de l’homme. Une jolie petite fille de quatorze à quinze ans s’empressa d’aller puiser dans un grand chaudron une écuellée de lait de chèvre, épais comme du fromage et doux comme du miel. Mais elle n’osa pas nous l’apporter elle-même. C’est un homme qui le versa dans nos larges coupes de cuivre ciselé ; et après que nous avions bu il nous disait : « En voulez-vous encore ? » on nous offrit du fromage frais ; mais nous n’avions pas où le mettre ; nous déployâmes un mouchoir, on le remplit, et un Agoyate l’emporta. Le petit-lait s’égouttait à travers la toile, et tombait en perles blanches. Je dis à Leftéri de payer ; mais ces bonnes gens refusèrent notre argent ; la tente sera toujours plus hospitalière que la maison. Est-ce que le désintéressement se serait réfugié sur les bords du Ladon ? Il faut faire beaucoup de chemin, en Grèce, pour trouver un homme qui refuse de l’argent ; et plus d’un voyageur qui a parcouru tout le royaume refusera de croire à cette petite histoire.