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LES HOMMES.

La nourriture d’un laboureur anglais suffirait en Grèce à une famille de six personnes. Les riches se contentent fort bien d’un plat de légumes pour leur repas ; les pauvres, d’une poignée d’olives ou d’un morceau de poisson salé. Le peuple entier mange de la viande à Pâques pour toute l’année.

L’ivrognerie, si commune dans les pays froids, est un vice très-rare chez les Grecs. Ils sont grands buveurs, mais buveurs d’eau. Ils se feraient scrupule de passer auprès d’une fontaine sans y boire, mais s’ils entrent au cabaret, c’est pour jaser. Les cafés d’Athènes sont pleins de monde, et à toute heure ; mais les consommateurs ne prennent point de liqueurs fortes. Ils demandent une tasse de café d’un sou, un verre d’eau, du feu pour allumer leurs cigarettes, un journal et un jeu de dominos : voilà de quoi les occuper toute une journée. Je n’ai pas rencontré, en deux ans, un homme ivre-mort dans les rues ; et je crois qu’on aurait bientôt fait de compter tous les ivrognes du royaume.

Quand la sobriété ne serait pas naturelle à ce peuple, elle lui serait imposée par le climat. Sous un ciel brûlant, il suffit de quelques gouttes de liqueur pour terrasser un homme. La garnison anglaise de Corfou s’enivre tous les jours avec sa ration de vin ; nos matelots en station au Pirée se grisent abominablement en croyant se rafraîchir ; et si jamais les Suisses se rendent maîtres de la Grèce, il faudra, sous peine de mort, qu’ils se condamnent à la sobriété.