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Le hasard a voulu que Janthe se trouvât chez la duchesse le jour de ma présentation. Ces deux amies intimes formaient un contraste frappant. La duchesse est une petite femme d’une maigreur fabuleuse, et qui semble n’avoir que le souffle. Le costume invariable qu’elle porte, hiver comme été, achève de lui donner l’apparence d’un fantôme : c’est une robe blanche en étoffe de coton, et un voile blanc, à la juive, qui enveloppe sa figure pâle et ses cheveux blancs. Janthe est une admirable incarnation de la force et de la santé. Elle est grande et svelte, sans maigreur ; si elle avait la taille un peu plus longue, il serait impossible de trouver une femme mieux faite. Ses pieds et ses mains annoncent une origine aristocratique ; les lignes de son visage sont d’une pureté incroyable. Elle a de grands yeux bleus, profonds comme la mer ; de beaux cheveux châtains, relevés çà et là par quelques tons plus chauds : quant à ses dents, elle appartient à cette élite de la nation anglaise qui a des perles dans la bouche et non des touches de piano. Son teint a conservé cette blancheur de lait qui ne fleurit que dans les brouillards de l’Angleterre, mais à la plus légère émotion il se colore. Vous diriez que cette peau fine et transparente n’est qu’un réseau où l’on a enfermé des passions : on les voit s’agiter dans leur prison, toutes frémissantes et toutes rouges. Janthe a plus de quarante et moins de cinquante ans.

Il y a vingt et quelques années, elle était, comme toutes les jeunes filles à marier, un livre relié en mousseline et tout plein de papier blanc. Elle attendait qu’elle eût un mari pour avoir un caractère, un