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LE PAYS.

telier grec qui allait transporter mes bagages, lorsque je m’entendis appeler en français par une voix inconnue. Un homme de quarante ans, de bonne mine, l’air noble, et couvert de vêtements magnifiques, s’était approché du Lycurgue dans un bateau à quatre rameurs : c’était lui qui, d’un ton plein de dignité, demandait au capitaine si j’étais à bord. Ce seigneur portait un si beau bonnet rouge, une si belle jupe blanche  ; il avait tant d’or à sa veste, à ses guêtres et à sa ceinture, que je ne doutai pas un instant qu’il ne fût un des principaux personnages de l’État. Mes deux officiers de marine prétendaient que le roi, informé des sentiments d’admiration que je nourrissais pour son royaume, avait envoyé au-devant de moi son maréchal du palais, tout au moins. Lorsque ce gentilhomme fut arrivé jusqu’à moi et que je l’eus salué avec tout le respect que je devais à son rang, il me remit courtoisement une lettre pliée en quatre. Je lui demandai la permission de lire et je lus :

« Je vous recommande Antonio  ; c’est un bon domestique qui vous épargnera les ennuis de la barque, de la douane et de la voiture. »

Je m’empressai de confier mon manteau à cette grandeur déchue qui me servit fidèlement pendant dix ou douze heures, fit transporter mes bagages et ma personne, se chargea de corrompre, moyennant un franc, la facile vertu du douanier, et me remit sain et sauf à la porte de notre maison. Les voyageurs qui vont en Grèce sans savoir le grec n’ont pas à craindre un seul moment d’embarras : ils trouveront, dès Syra, non-seulement Antonio, mais cinq ou six autres domestiques aussi bien dorés, qui parlent le