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Page:About - La Question romaine.djvu/166

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derne eut adouci les mœurs catholiques. Tous les ans, le Sénateur de la ville leur donnait officiellement un coup de pied au derrière : c’était un grand honneur pour eux ; ils le payaient 4 000 francs. À chaque avénement, ils devaient se ranger sous l’arc de Titus pour offrir une Bible au pape, qui leur répondait par une grossièreté. Ils payaient 450 écus de rente perpétuelle aux héritiers d’un renégat qui les avait injuriés. Ils payaient aussi le traitement d’un prédicateur chargé de les convertir tous les samedis, et lorsqu’ils n’allaient pas l’écouter, ils payaient l’amende. Mais ils ne payaient pas de contributions proprement dites, puisqu’ils n’étaient pas citoyens du pays. La loi les considérait comme des voyageurs à l’auberge. Leur permis de séjour était provisoire, et depuis plusieurs siècles il fallait le renouveler tous les ans. Non-seulement ils étaient privés de tous droits politiques, mais les plus élémentaires des droits civils leur étaient interdits. Ils ne pouvaient ni posséder, ni fabriquer, ni cultiver : ils vivaient de ravaudage et de brocantage. Ce qui m’étonne un peu, c’est qu’ils n’en soient pas morts. La misère, la malpropreté, l’infection de leurs tanières avaient appauvri leur sang, pâli leur visage et dégradé leur physionomie. Quelques-uns d’entre eux ne présentaient plus figure humaine. On aurait pu les prendre pour des animaux, si l’on n’avait pas su qu’ils étaient intelligents, propres aux affaires, résignés, faciles à vivre, excellents dans le cœur, dévoués à leurs familles et irréprochables dans leur conduite.