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Page:About - La Question romaine.djvu/170

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les tient enfermés comme autrefois, était le quartier le plus horrible et le plus négligé de la ville, et j’en ai conclu que la municipalité ne faisait rien pour eux. J’ai su que ni le pape, ni les cardinaux, ni les évêques, ni les moindres prélats ne pouvaient mettre le pied sur ce terrain maudit sans contracter une souillure morale ; l’usage de Rome le défend. Et j’ai songé à ces parias de l’Inde qu’un brahme ne pourrait toucher du doigt sans perdre sa caste. J’ai appris que les emplois les plus modestes dans la plus modeste administration étaient inaccessibles aux juifs, ni plus ni moins qu’aux animaux. Un enfant d’Israël, sollicitant un emploi d’expéditionnaire, serait plus ridicule là-bas que la girafe du Jardin-des-Plantes demandant une sous-préfecture. Je me suis assuré qu’aucun d’eux n’était propriétaire et ne pouvait le devenir, et j’ai reconnu à cette marque que Pie IX ne les regardait pas encore tout à fait comme des hommes. Si quelqu’un d’entre eux cultive le champ d’autrui, c’est par contrebande, et caché derrière un prête-nom : comme si la sueur d’un juif devait déshonorer la terre ! Les travaux de fabrique leur sont interdits comme autrefois : ils pourraient faire tort à l’industrie nationale, eux qui ne sont pas de la nation. Enfin, je les ai vus eux-mêmes, sur le seuil de leurs misérables boutiques, et je vous jure qu’ils ne ressemblent pas à un peuple réhabilité. Le sceau de la réprobation pontificale n’est pas effacé de leurs fronts. S’ils étaient affranchis depuis douze ans, comme le prétend l’histoire, leur figure en montrerait quelque chose.